J.O. 86 du 11 avril 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Décision du 15 mars 2006 du Conseil d'Etat statuant au contentieux (section du contentieux, 10e et 9e sous-sections réunies) sur le rapport de la 10e sous-section de la section du contentieux


NOR : CETX0609231S



Vu, 1° sous le numéro 288754, la requête, enregistrée le 4 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. René-Georges Hoffer, demeurant BP 13722 à Punaauia (98717) ; M. Hoffer demande au Conseil d'Etat :

1° D'annuler la « loi du pays » no 2005-8 LP/APF du 6 décembre 2005 portant création d'une taxe de solidarité sur les alcools et les tabacs, la « loi du pays » no 2005-9 du 6 décembre 2005 portant diverses mesures fiscales et la « loi du pays » no 2005-10 LP/APF du 6 décembre 2005 portant modification de la délibération no 95-215 AT du 14 décembre 1995 modifiée relative à la mobilité géographique des fonctionnaires affectés dans les archipels autres que celui des îles du Vent ;

2° De mettre la somme de 500 000 F CFP à la charge de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le numéro 289501, l'ordonnance en date du 18 janvier 2006, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 janvier 2006, par laquelle le président du tribunal administratif de la Polynésie française a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. René-Georges Hoffer ;

Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française, le 17 janvier 2006, présentée par M. René-Georges Hoffer, demeurant BP 13722 à Punaauia et tendant :

1° A l'annulation de la « loi du pays » no 2005-8 LP/APF du 6 décembre 2005 portant création d'une taxe de solidarité sur les alcools et les tabacs et de la « loi du pays » no 2005/10 LP/APF du même jour portant modification de la délibération no 95-215 AT du 14 décembre 1995 modifiée relative à la mobilité géographique des fonctionnaires affectés dans les archipels autres que celui des îles du Vent ;

2° A la récusation d'un magistrat du tribunal administratif de la Polynésie française ;

3° A ce que soit mis à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 500 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 74 ;

Vu la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, maître des requêtes ;

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du président de la Polynésie française ;

- les conclusions de Mlle Célia Verot, commissaire du Gouvernement ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu du huitième alinéa de l'article 74 de la Constitution la loi organique peut déterminer, pour les collectivités d'outre-mer qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles « le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi » ; qu'aux termes de l'article 139 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : « L'assemblée de la Polynésie française adopte des actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays et des délibérations » ; que l'article 140 de cette même loi organique dispose que les actes de l'assemblée de la Polynésie française, dénommés « lois du pays », sur lesquels le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française, soit sont pris au titre de la participation de la Polynésie française aux compétences de l'Etat et interviennent dans les matières qu'il énumère et au nombre desquelles figurent l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature, ainsi que les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de la Polynésie française ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 176 de la même loi organique : « I. - A l'expiration de la période de huit jours suivant l'adoption d'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays ou au lendemain du vote intervenu à l'issue de la nouvelle lecture prévue à l'article 143, le haut-commissaire, le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée de la Polynésie française ou six représentants à l'assemblée de la Polynésie française peuvent déférer cet acte au Conseil d'Etat./ Ils disposent à cet effet d'un délai de quinze jours. (...)/ II. - A l'expiration de la période de huit jours suivant l'adoption d'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays ou au lendemain du vote intervenu à l'issue de la nouvelle lecture prévue à l'article 143, l'acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays est publié au Journal officiel de la Polynésie française à titre d'information pour permettre aux personnes physiques ou morales, dans le délai d'un mois à compter de cette publication, de déférer cet acte au Conseil d'Etat./ Le recours des personnes physiques ou morales est recevable si elles justifient d'un intérêt à agir (...) » ; qu'il est spécifié au premier alinéa du III du même article 176 que « Le Conseil d'Etat se prononce sur la conformité des actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays au regard de la Constitution, des lois organiques, des engagements internationaux et des principes généraux du droit. La procédure contentieuse applicable au contrôle juridictionnel spécifique de ces actes est celle applicable en matière de recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat. » ; que le dernier alinéa de l'article 176 énonce que les « lois du pays » ne peuvent plus être contestées par voie d'action devant aucune autre juridiction ; qu'enfin, l'article 177 de cette même loi organique ajoute que « Le Conseil d'Etat se prononce dans les trois mois de sa saisine. (...)/ Si le Conseil d'Etat constate qu'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays contient une disposition contraire à la Constitution, aux lois organiques, ou aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit, et inséparable de l'ensemble de l'acte, celle-ci ne peut être promulguée./ Si le Conseil d'Etat décide qu'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays contient une disposition contraire à la Constitution, aux lois organiques ou aux engagements internationaux, ou aux principes généraux du droit, sans constater en même temps que cette disposition est inséparable de l'acte, seule cette dernière disposition ne peut être promulguée./ Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, le président de la Polynésie française peut, dans les dix jours qui suivent la publication de la décision du Conseil d'Etat au Journal officiel de la Polynésie française, soumettre la disposition concernée à une nouvelle lecture de l'assemblée de la Polynésie française, afin d'en assurer la conformité aux normes mentionnées au deuxième alinéa » ;

Considérant que, sur le fondement de l'article 140 de la loi organique du 27 février 2004 précité, l'assemblée de la Polynésie française a adopté la « loi du pays » no 2005-8 du 6 décembre 2005 portant création d'une taxe de solidarité sur les alcools et les tabacs, la « loi du pays » no 2005-9 du 6 décembre 2005 portant diverses mesures fiscales et la « loi du pays » no 2005-10 du 6 décembre 2005 portant modification de la délibération du 14 décembre 1995 relative à la mobilité géographique des fonctionnaires affectés dans les archipels autres que celui des îles du Vent ; que, dans le cadre du contrôle juridictionnel spécifique défini au chapitre II du titre VI de cette même loi organique, M. Hoffer a saisi le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de la Polynésie française de deux requêtes tendant à ce que ces actes soit déclarés illégaux ;

Considérant que les requêtes sont dirigées contre les mêmes « lois du pays » ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;



En ce qui concerne les conclusions à fin de récusation :

Considérant que les conclusions à fin de récusation d'un magistrat du tribunal administratif de la Polynésie française sont sans objet devant le Conseil d'Etat ;

En ce qui concerne la « loi du pays » no 2005-8 :

Considérant que la « loi du pays » no 2005-8 instaure une taxe sur les alcools et les tabacs importés et produits localement, dont les redevables sont, selon le cas, les distributeurs ou les producteurs locaux de ces produits ; qu'ainsi ces dispositions ne font pas directement grief à M. Hoffer, en sa qualité de contribuable de la Polynésie française ; que, par suite, M. Hoffer ne justifie pas d'un intérêt suffisant à contester la « loi du pays » no 2005-8 ;

En ce qui concerne les « lois du pays » no 2005-9 et no 2005-10 :

Considérant qu'aucun des moyens invoqués par M. Hoffer à l'encontre des deux « lois du pays » n'est de nature à affecter leur légalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. Hoffer doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir opposées par le président de la Polynésie française et le président de l'assemblée de la Polynésie française ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : « Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 EUR ; qu'en l'espèce, les requêtes de M. Hoffer présentent un caractère abusif ; qu'il y a lieu de condamner M. Hoffer à verser au Trésor public une amende s'élevant à la valeur en francs CFP de 1 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. Hoffer au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens,

Décide :


Article 1


Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de récusation.

Article 2


Les requêtes de M. Hoffer sont rejetées.

Article 3


M. Hoffer est condamné à payer au Trésor public la contrepartie en francs CFP de la somme de 1 000 euros.

Article 4


La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et au Journal officiel de la Polynésie française et sera notifiée à M. René-Georges Hoffer, au président de la Polynésie française, au président de l'assemblée de la Polynésie française, au ministre de l'outre-mer et au receveur général des finances.